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Sectorisation et Geomarketing | 7 MIN DE LECTURE

Géomerchandising, l’autre levier de performance de votre réseau de distribution

 29 avr. 2021

Crédits photo : Gabriella Clare Marino - Unsplash

Pour implanter vos points de vente et optimiser la structure de votre réseau, vous faites déjà appel au géomarketing. Le géomerchandising vous permet d’aller plus loin en adaptant votre offre localement pour maximiser la rentabilité de chaque implantation.

Le géomerchandising est une approche marketing consistant à adapter localement l’offre des points de vente – en termes d’assortiment de produits/services et d’échelle de prix – en se fondant sur les caractéristiques de leur implantation et de leur zone de chalandise, à savoir :

  • la composition socio-démographique de la zone (typologie des ménages, structure d’âge de la population, niveau de revenus, catégories socioprofessionnelles, actifs/inactifs/chômeurs, locataires/propriétaires…) ;
  • les comportements et habitudes d’achat, tels que peuvent les révéler l’analyse des historiques d’achat des clients connus (typiquement via le programme de fidélité de l’enseigne) et les données de marché des panélistes ;
  • le type de zone d’implantation (centre-ville, périphérie urbaine, zone rurale, quartier d’affaire, zone à dominante résidentielle…) ;
  • les spécificités culturelles, géographiques et climatiques du territoire d’implantation ayant une influence sur la fréquentation et les comportements d’achats (zone de montagne/balnéaire, haut lieu touristique...) ;
  • la localisation et l’emprise des concurrents.

L’objectif est de croiser ces différentes données afin de définir, pour chaque point de vente ou catégorie de points de vente, l’assortiment/l’offre qui garantira à la fois l’utilisation optimale de la surface disponible, le taux de rotation des stocks le plus élevé et, in fine, le meilleur rendement par m².

En 2002, Pierre Volle, Professeur à l’Université Paris-Dauphine, soulignait déjà que « le distributeur [qui] constitue son assortiment sans tenir compte des différences climatiques, économiques, démographiques et psycho-sociologiques liées à la géographie, l'offre sera probablement en décalage avec les attentes des clients. Par conséquent, le rendement effectif du point de vente sera inférieur à son rendement potentiel. »*

C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que les enseignes regorgent de données clients à exploiter et qu’elles peuvent, de plus, mobiliser les technologies mobiles pour développer des stratégies omnicanal dont le géomerchandising vient renforcer l’efficacité.

Une arme de précision pour la distribution
alimentaire et généraliste

Les enseignes de distribution alimentaire ont été les premières à s’emparer des techniques du géomerchandising afin de trouver le meilleur équilibre possible entre adaptation de l’offre au contexte local, pression des industriels PGC et autres fournisseurs pour être présents en rayon, intégrité de leur image/promesse de marque et, bien sûr, rentabilité.

Deux facteurs favorisent et renforcent le recours au géomerchandising dans la distribution alimentaire/généraliste :

  • La multiplication des formats de magasins dans laquelle toutes les grandes enseignes alimentaires se sont engagées depuis une quinzaine d’années. Cette diversification impose de déterminer, pour chaque format, l’assortiment de base que le consommateur s’attend à trouver dans un magasin de cette enseigne indépendamment de tout critère géographique. L’étendue et la profondeur de cette offre de base varient nécessairement en fonction de la surface du point de vente et du profil de la zone de chalandise. Les enseignes intégrées (ayant une gestion centralisée de leurs points de vente) peuvent ainsi fournir à chaque magasin des planogrammes pré-optimisés qui facilitent, d’une part, les mises en place de produits et, d’autre part, la planification des opérations de merchandising propres au magasin (animation du point de vente, PLV, promotions…).

Le géomerchandising permet également à l’enseigne de fixer la marge laissée à chaque magasin pour adapter son offre aux spécificités locales. Sachant que l’appétence actuelle des consommateurs pour les produits locaux/régionaux est un puissant facteur d’attractivité et de fidélisation, la partie locale de l’assortiment tend à augmenter, notamment dans les enseignes d’indépendants comme Système U ou E. Leclerc.

  • La recherche de complémentarité et de synergies entre le réseau physique et les activités online (e-commerce, drive et click-and-collect). Les enseignes savent désormais que leur site e-commerce n’est pas l’ennemi de leur réseau physique. Elles ont notamment compris le parti qu’elles peuvent tirer de la dimension géographique de la connaissance client pour mieux cibler leurs actions marketing (online et offline) et accroître simultanément la fréquentation de leurs magasins et de leur site e-commerce.

En effet, on sait déjà que l’installation d’un magasin sur un territoire où l’enseigne n’était pas présente jusque-là a une incidence très positive sur la fréquentation de son site web par les habitants de la zone de chalandise du nouveau point de vente. Il est également largement démontré que l’utilisation de critères géographiques pour personnaliser les recommandations de produits sur le site e-commerce d’une enseigne génère des ventes en ligne ET des visites en magasin. C’est le cœur de ce que l’on appelle le géomerchandising dynamique, qui utilise l’adresse IP de l’internaute ou la géolocalisation de son smartphone pour lui présenter les produits disponibles dans les magasins à proximité et/ou ceux qui ont le plus de succès à l’instant « t » dans sa zone géographique auprès des personnes présentant un profil proche du sien. Le potentiel de cette technique de ciblage est loin d’être épuisé, sa limite étant en réalité la capacité effective de l’enseigne à exploiter en temps réel les données de localisation de ses cibles et les données de vente et de stock.

Un allié pour tous les réseaux de distribution

Le géomerchandising n’est évidemment pas la chasse gardée des enseignes alimentaires et généralistes. Les enseignes spécialisées utilisent également ces techniques, en particulier celles pour lesquelles la situation géographique et les saisons ont un fort impact sur la fréquentation des magasins et la typologie de produits que les clients s’attendent à y trouver. Par exemple :

  • Dans les enseignes de jardinage, chaque magasin doit veiller non seulement à proposer au bon moment des végétaux adaptés aux conditions climatiques locales, mais aussi à ajuster son mix produit aux pratiques de ses clients : même si la vogue des « carrés potagers » bat son plein sur les balcons urbains, les plants de pommes de terre et de poireaux ont moins de chance de trouver preneur en centre-ville qu’en zone rurale ou pavillonnaire…
  • De même, au-delà de la dimension saisonnière, les magasins de sport ont tout à gagner à étoffer les rayons correspondant aux activités les plus pratiquées dans leur zone de chalandise. Ce n’est pas si simple qu’il y paraît : si personne ne s’étonne que les magasins situés en zone de montagne aient d’importants rayons dédiés aux sports d’hiver et à la randonnée, on constate que c’est aussi le cas des magasins parisiens – tout simplement parce qu’une part significative de leur clientèle pratique ces activités et préfère s’équiper avant de partir. Si cela paraît relever du simple bon sens, encore faut-il être en capacité de quantifier ces comportements et, pour cela, d’analyser finement les catégories de produits concernées et les quantités.

Le géomerchandising trouve aussi des applications dans les activités de service telles que la banque et l’assurance, où les problématiques de maillage du territoire se doublent d’une logique de spécialisation des agences en fonction des caractéristiques socioéconomiques de la zone de chalandise. Dans ce type de réseau, l’objectif n’est pas tant de composer une offre de services propre à chaque agence que d’affecter au bon endroit des conseillers ayant les bonnes spécialités pour répondre aux attentes du public local. D’évidence, les conseillers en gestion de patrimoine et les spécialistes de l’assurance d’œuvre d’art ont plus leur place dans les agences des quartiers résidentiels huppés que dans les quartiers populaires… Le géomerchandising aide aussi les grands réseaux bancaires à prendre des décisions quant au type d’agence – centre de service avec beaucoup d’automates et peu de ou pas de personnel, agence spécialisée ou agence généraliste – convenant le mieux à chaque zone.

Les piliers du géomerchandising

A la croisée des chemins entre sciences statistiques, géographie et marketing, le géomerchandising est une discipline exigeante qui fait appel à des connaissances et à des outils spécialisés. Pour cette raison, il est bon de rappeler les points suivants :

  • L’unité d’analyse et d’action étant la zone de chalandise, toute démarche de géomerchandising commence nécessairement par la définition de la zone de chalandise de chaque point de vente et sa classique segmentation en zone primaire, secondaire et tertiaire. C’est le premier pilier d’une démarche de géomerchandising.

La configuration de la zone de chalandise varie selon qu’elle est calculée sur une base isochrone ou isométrique ou à partir des données de flux réels (données de géolocalisation). Un outil cartographique proposant ces différentes options de calcul permettra à l’analyste de comparer les résultats et d’industrialiser les calculs ainsi que la représentation cartographique des zones de chalandise de l’ensemble des points de vente du réseau.

  • Le géomerchandising étant un exercice d’optimisation multicritère (définir l’assortiment optimal pour chaque point de vente en fonction de critères géographiques), le deuxième pilier est la disponibilité des données à la bonne maille géographique. Il serait totalement contre-performant de construire un modèle théorique sophistiqué qui paraît satisfaisant, mais que vous serez dans l’incapacité d’alimenter.
  • Dès lors que vous vous êtes assuré que les données (internes et externes) que vous souhaitez utiliser sont disponibles, la partie requérant le plus d’expertise est la pondération des différents paramètres pris en compte dans le modèle. S’il appartient à chaque enseigne de faire les choix correspondant à ses priorités stratégiques et à son modèle organisationnel, le concours d’un cabinet spécialisé est souvent le moyen le plus simple d’accéder aux compétences sectorielles requises, ainsi qu’aux outils de traitement et de modélisation de données et de simulation de scénarios, indispensables pour aboutir à la construction d’un modèle pertinent.
  • Enfin, le géomerchandising ne remplit son office que s’il est pratiqué de façon dynamique et dans la durée : les priorités des enseignes évoluent, les contextes locaux et les comportements des consommateurs aussi. Cela signifie qu’il faut régulièrement évaluer les résultats obtenus, les comparer au potentiel théorique, réajuster les assortiments et les échelles de prix là où les performances attendues ne sont pas au rendez-vous, et réactualiser périodiquement le modèle qui supporte l’ensemble de la démarche.

Le jeu en vaut la chandelle. Si les enseignes de distribution, les banques et les assurances sont généralement très discrètes sur l’utilisation qu’elles font du géomerchandising, des études universitaires font état de résultats tout à fait convaincants.

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*Pierre Volle, Produit et information géographique : le géomerchandising, in Gérard Cliquet, Géomarketing – Hermes, pp.1-27, 2002.

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