Nous avons vu dans un l’immense défi que représente la décarbonation du transport de marchandises. Face aux moteurs thermiques et au gazole ultra-majoritaires, les technologies « zéro émission » semblent devoir s’imposer. La transition s’annonce cependant longue et coûteuse…
L’électrique peine à décoller…
Particulièrement pertinents en France où la production d’électricité est largement décarbonée, les véhicules électriques à batteries sont actuellement la meilleure option « zéro émission » (si l’on exclut le problème de production et de recyclage des batteries…). Mais, soyons clairs : la part de l’électrique dans les véhicules lourds est aujourd’hui insignifiante, même en y ajoutant les solutions hybrides.
Le décollage tant annoncé, par les médias et les constructeurs, ne se traduit absolument pas dans les chiffres. Sur les 14 derniers mois (décembre 2019-janvier 2021), il ne s’est vendu que 280 poids lourds électriques et hybrides en France (source OIE / AAA data). 20 unités par mois ! La crise de la Covid-19 n’a certes pas aidé, mais à ce rythme, il faudra 30 ou 40 ans pour que les motorisations électriques commencent à avoir ne serait-ce qu’un début d’impact sur les émissions de CO2 du secteur.
Les quantités sont à peine plus encourageantes du côté des VUL. Le parc électrique/hybride a été multiplié par 10 entre 2011 et 2020 et les ventes cumulées des 14 derniers mois s’établissent à 11 000 unités. Dans un parc de 6 millions de véhicules, cela reste une goutte d’eau.
Pourquoi la transition n’est-elle pas plus rapide alors que les motorisations électriques existent depuis des décennies ? Les raisons sont multiples :
- Même si tous les grands constructeurs s’y sont mis (au moins sur le papier), l’offre ne rencontre pas les attentes des transporteurs, notamment en termes d’autonomie. C’est particulièrement vrai pour les tracteurs routiers. Les experts de Carbone4 considèrent que « les motorisations électriques à batterie ne sont pas disponibles pour ce type de véhicule ». A date, seuls roulent, selon eux, des prototypes ou au mieux des premières séries (Tesla, Nikola One, Hyundai). Pour les VUL, dont les usages majoritaires s’accommodent d’une autonomie moindre, l’offre est plus mature.
- Malgré les aides à la conversion (État, collectivités), le coût d’acquisition est beaucoup plus élevé que celui du thermique. Prix des batteries oblige, plus l’autonomie est importante, plus le prix grimpe… A supposer que ces modèles soient disponibles en France, le Tesla Semi d’une autonomie 480 km s’affiche à 150 000 dollars, mais à 180 000 dollars dans sa version offrant 800 km d’autonomie.
- Le maillage en stations d’avitaillement n’est pas encore à la hauteur des besoins, notamment pour la recharge rapide. Le réseau Corri-Door (200 bornes de recharge rapide), financé pour moitié par la Commission Européenne, a été arrêté en mars 2020. Tesla investit et compte à ce jour 77 stations sur le territoire français avec 10 points de charge par station. Total prévoit d’équiper 300 de ses stations en bornes de recharge ultrarapide d’ici la fin 2022.
- Le prix du diesel à la pompe est relativement bas, ce qui n’incite pas à investir et freine le renouvellement des flottes, surtout dans un contexte où de nombreuses sociétés de transport sont en grande difficulté financière à cause de la crise de la Covid.
L’hydrogène, oui ! Mais quand ?
La part de l’hydrogène dans le transport routier de marchandises est inexistante à ce jour. Les constructeurs se positionnent les uns après les autres sur ce marché et les gouvernements mettent des milliards sur la table pour développer cette « énergie de l’avenir ». La technologie de la pile à combustible hydrogène est maîtrisée depuis plus d’un siècle et présente deux avantages majeurs : elle émet très peu de polluants locaux, et en l’occurrence pas de CO2, et offre un rendement supérieur à celui des moteurs thermiques.
Au vu de ces avantages, on se demande pourquoi les moteurs électriques alimentés à l’hydrogène ne se sont pas déjà imposés partout. La réponse tient aux caractéristiques de l’hydrogène :
- Contrairement aux combustibles fossiles, l’hydrogène n’existe pas à l’état natif. Il faut le produire. Pour obtenir de l’hydrogène – que ce soit par craquage d’hydrocarbure, par électrolyse de l’eau ou par thermolyse de l’eau – il faut dépenser beaucoup d’énergie. En termes de bilan carbone, le processus n’est vertueux que si cette énergie est elle-même décarbonée.
- L’hydrogène n’est pas liquéfiable aux températures ambiantes. Il est de plus hautement inflammable. Mais surtout, il est très peu dense et doit être compressé, ce qui rend son transport et son stockage problématiques, énergivores et coûteux.
Pour ces deux raisons, les experts les plus sceptiques quant au développement à grande échelle de la technologie hydrogène ont une formule difficile à traduire en français : « Hydrogen is the fuel of the future, and it always will be ».
Cependant, les moyens engagés devraient apporter des remèdes à ces freins. On peut donc considérer qu’à défaut d’être option valide pour les voitures particulières, l’hydrogène est aujourd’hui la solution énergétique la plus prometteuse et la plus « verte » pour les véhicules lourds – sous réserve d’une production à partir d’énergies décarbonées (nucléaire et EnR) et de la mise en place d’un véritable réseau de distribution. Celui-ci est embryonnaire, faute de modèle économique viable (investissement élevé/demande extrêmement faible). Cela prendra des années, d’autant que les modèles les plus performants arrivant sur le marché sont à des prix quasi prohibitifs : le Nikola One doté d’une autonomie de 2 000 km sur le papier est tout de même à 375 000 dollars…
Ce qui va accélérer la transition énergétique du transport
Le rythme actuel de renouvellement du parc est insuffisant pour atteindre les objectifs de réduction de GES et la neutralité carbone à l’horizon 2050. Au-delà des engagements pris par les entreprises, plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’accélération de la transformation du parc :
- Le renforcement de la réglementation européenne – En décembre 2020, la Commission européenne a présenté sa "Stratégie de mobilité durable et intelligente", un plan d'action composé de 82 initiatives visant à réduire de 90% les émissions du secteur d'ici 2050. La Commission proposera en juin 2021 une révision des standards d’émission de CO2 pour les voitures et les camions, ce qui accentuera la pression sur l’offre de transport.
- Le renforcement des réglementations locales – Les collectivités territoriales se montrent de plus en plus restrictives sur l’accès des véhicules polluants aux zones urbaines denses. Ces mesures, et les aides qui les accompagnent, incitent les principaux acteurs de livraisons du dernier kilomètre à investir dans des VUL électriques.
- Les engagements des constructeurs – En décembre 2020, 7 constructeurs majeurs (Daimler, Scania, Man, Volvo, Daf, Iveco et Ford) ont signé un document commun, dans lequel ils s’engagent à arrêter la commercialisation d’engins au gazole avant 2040. Ils s’engagent ainsi à favoriser la construction et la vente de camions et d’utilitaires à batteries, à hydrogène ou à « carburants propres ».
- Les conséquences de la crise – Une étude de l’Union internationale des transporteurs routiers (IRU) montre que les PME du secteur n’ont quasiment pas bénéficié des plans de sauvetage mis en place lors de la pandémie. L’IRU annonce une vague de faillites qui frappera en premier lieu ces petites entreprises, très nombreuses dans le secteur. Les grandes entreprises les plus saines sur le plan financier en sortiront renforcées et, ayant les moyens d’investir, devraient mettre les bouchées doubles pour « verdir » leur flotte et satisfaire ainsi les exigences écologiques croissantes des chargeurs.
Continuer à lutter contre les inefficacités
La focalisation sur les changements de motorisation/carburation ne doit pas faire oublier les autres moyens, bien moins onéreux que l’achat de nouveaux véhicules, qui permettent aux entreprises de de réduire leur empreinte carbone dès maintenant, en particulier :
L’écoconduite – En formant tous leurs conducteurs aux principes de l’écoconduite, les entreprises parviennent à réduire de 15 % à 20 % leur consommation de carburant. Sur des flottes importantes, cela représente non seulement des économies très significatives, mais aussi une réduction appréciable des émissions de GES puisque, en toute logique, moins on brûle de carburant, moins on émet.
L’optimisation des trajets et des tournées – Les entreprises qui utilisent les de GEOCONCEPT réduisent significativement le nombre de kilomètres parcourus par leurs véhicules et donc, leur consommation de carburant et leurs émissions de CO2. Elles réalisent ainsi , tout en maximisant l’utilisation de leurs véhicules et l’emploi du temps de leurs conducteurs. Maîtriser la dimension géographique, c’est évidemment maîtriser aussi son impact sur l’environnement.
Dans un contexte où beaucoup d’entreprises sont fragilisées, aucun gain d’efficacité ne peut être négligé. C’est particulièrement crucial pour les qui, dans un contexte où la livraison du e-commerce explose, doivent absolument pour préserver leur rentabilité. Comme le souligne William Béguerie, expert en transport routier, dans ce livre blanc : « Accroître l’efficacité des livraisons urbaines est essentiel en termes de coûts, mais aussi d’acceptabilité. L’étau se resserre autour des véhicules les plus polluants. Les véhicules électriques deviennent une option très sérieuse. […] La résolution des inefficacités du dernier kilomètre restera donc un objectif important pour les entreprises de logistique en 2021. Comprendre l’influence du territoire sur la livraison urbaine sera notamment clef pour améliorer la distribution en ville. »
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